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Sapeurs et Artilleurs de Biercée

Joël Ghislain

Hommage...

(Livre d'or)

Texte prononcé lors des funérailles par l'un de ses meilleurs amis, Jean-Noé Dehon.

Joël, mon ami,
Que de chemin n'avons-nous parcouru ensemble depuis notre rencontre dans les année 90! Je me rappelle ce dimanche de novembre 1996 où le Groupe d'Action - Sécurité Biercée s'était réuni: le décès accidentel de Ludovic avait suscité émoi, indignation et révolte parmi nos concitoyens. Cette route de Sartiau était tueuse; il fallait agir sans délai pour la sécuriser.
Convaincu de notre potentiel d'action - nous étions trois! - , mais forts de notre conviction et de notre détermination, nous nous sommes lancés "bille en tête", et toi le premier.
En charge dans cette "bataille", de la mission "relations publiques", des années durant, tu as préparé dossiers de presse, contacté les journalistes, convoqué les TV locales, organisé les réunions publiques, créé les diaporamas, participé à la rédaction de moratoire et autre mémorandum.
Jamais, tu n'as rechigné à la tâche; jamais tu ne t'es plaint des innombrables heures passées devant ton PC, malgré tes préoccupations et ta charge professionnelle.
L'injustice qui avait frappé Ludovic justifiait que tu donnes sans compter, avec une générosité inégalée.
... et la route de Sartiau fut sécurisée.

Vint ensuite l'heure des Espaces-quartiers dans notre entité.
Il était impensable que toi, un immigré - comme tu te plaisais à le dire -, ne s'implique dans cette stratégie de quartier, celui de Biercée.
Car ce village, ce beau village qui glissait inéluctablement vers la torpeur d'un dortoir, ce Biercée qui t'avait accueilli avec ta famille, tu l'appréciais infiniment, tu l'aimais profondément.
Il fallait que les gens puissent se rencontrer, se parler, se connaître... comme au bon vieux temps.
Il fallait lui rendre son école, la rendre à notre jeunesse, la rendre à ses enfants.
Il fallait créer "un", ou mieux, "des" espaces de convivialité.
Vaste programme!
Avec ton caractère entier, ton allant hors du commun, ta spontanéité généreuse, tu t'es inscrit dans ce programme.

Physicien et informaticien hors pair, c'est dans l'élaboration du dossier "Une école à Biercée" que j'ai découvert tes talents de statisticien.
Tu as exploité toutes les données de notre enquête pour démonter de façon catégorique et scientifique, la pertinence d'une école à part entière dans le village.
Parlant de statistiques, j'ai en souvenir une anecdote qui démontre à suffisance ton souci de la perfection poussée à l'extrême.
En 2002, nos amis de La Maladrie nous avaient sollicités pour les aider à établir un dossier - suite à une pluie diluvienne qui s'était abattue dans la région et avait provoqué quelques dégats dans leur quartier. Tu t'es proposé pour réaliser l'étude statistique des régimes pluviométriques en Thudinie, et pour évaluer les risques de "pluies exceptionnelles" du côté du Champ de la Croix.
Après avoir compulsé les données des trente dernières années de notre Institut Royal Météorologique, et consulté des climatologues français et néerlandais, tu as rédigé un rapport statistique remarquable, un morceau d'anthologie mathématique que seuls, des experts - à mon sens -, pouvaient appréhender. Tu y démontrais que le régime des pluies, à Thuin, était régi par la loi de distribution statistique dite "Log - Normale".
Lorsque, le sourire en coin, je t'ai déclaré que, forts de cette loi "Log - Normale", les riverains du bas de la rue du Fosteau sauraient à quoi s'en tenir la prochaine fois qu'ils auraient les pieds dans l'eau, tu m'as regardé comme si j'étais un extra-terrestre... et tu m'as affublé de quelques noms d'oiseaux! Je pense que je le méritais!

Ensuite, la rénovation du kiosque!
Ton idée: vendre des calendriers.
Là aussi, que d'heures passées à composer le calendrier, à rechercher les photos adéquates, à dialoguer avec l'imprimeur, à vendre en porte-à-porte, ou à passer quelques week-end sur le seuil de la supérette. Et les gens ont acheté...; la rénovation du kiosque partait sur de bonnes bases.

Et pourquoi pas une exposition photo?
Et là, comme à ton habitude, tu te lances dans la recherche de documents.
Tu te découvres une âme d'historien; tu plonges sans retenue dans le passé de "ton village"; tu interviewes "les anciens"; tu harcèles Monsieur Vainqueur, et tu réussis à le convaincre de te prêter sa remarquable documentation.
Rien ne résiste à ton charisme, ni à ta détermination.
Et tant qu'à faire, pourquoi pas une plaquette-souvenir, et une présentation du village lors du vernissage?
Devant la charge de travail que tu t'imposes - et à ton fils François -, je m'avance à te proposer mon aide pour retoucher quelques photos anciennes. Hélas, cette aide virtuelle se limitera à la recherche, une heure durant, de l'interrupteur de mise sous tension de ton PC!
Joël, il y a un an, jour pour jour, tu t'échinais à finaliser la préparation de cette exposition "Il était une fois... Biercée".
Le succès était à la clé :
- Plus de 500 visiteurs.
- Des concitoyens ravis et encore demandeurs;
- Un bénéfice substanciel qui nous permet la restauration du kiosque;
- Mais surtout et avant tout, dans l'organisation de la manifestation, une symbiose entre jeunes et moins jeunes, une ambiance chaleureuse, une satisfaction personnelle à participer à l'événement, une extrême convivialité.
Pour la première fois depuis longtemps, la cérémonie du 11 novembre 2005 à Biercée, sera empreinte de cette convivialité villageoise retrouvée.
Et tu m'as dit combien tu étais heureux et fier de l'implication de cette Jeunesse de Biercée, cette jeunesse qui se dévoue, elle aussi, sans compter, pour animer le Village et égayer la Noël de nos enfants. Cher ami Joël, autant tu étais exigeant pour toi-même, autant tu pouvais te montrer tolérant, compréhensif, voire paternaliste lorsqu'il s'agissait d'autrui.
Là aussi, je parle d'expérience.
Lorsque dans la foulée de l'expo-photos, et fort de l'apport financier des Quartiers, des associations locales et de la Ville, j'avance la date de la prochaine Ducasse aux Cerises pour atteindre l'objectif de rénovation du kiosque, abasourdi, effrayé par un délai que tu estimes impossible à tenir, tu ne manques pas de me remonter les bretelles avec quelques épithètes particulièrement choisis.
Et pourtant!... c'était sans compter sur les ressources du village, particulièrement celles de cette Jeunesse que tu appréciais tant.
Malgré le mal qui avait commencé son oeuvre destructrice, tu as participé à cette rénovation; tu t'es, comme de coutume, impliqué dans cette action citoyenne.
Je pense, comme me le disait Monsieur Herbage, qu'avant de nous quitter, tu auras eu la satisfaction de voir tes concitoyens se réapproprier la Place du Kiosque, dès la Ducasse aux Cerises et lors des Journées du Patrimoine.
Jusqu'à l'extrême limite de ce qui est possible, tu t'es investi, tu t'es dévoué pour ton village.
Là où tu es passé, tu as laissé ton empreinte; celle de quelqu'un sur qui on pouvait compter en toutes circonstances.

Le témoignage qu'il m'a été demandé de lire, celui de la Ligue des Familles, en est un autre exemple:
"Joël,
Nous, le Comité de Thuin de la Ligue des Familles, nous t'avons connu parce que tu refusais l'injustice flagrante de certaines circonstances de la Vie, dans ce cas précis, la mort de Ludovic.
ton énergie, ton esprit cartésien, ton jusqu'au-boutisme, ton implication dans la sécurisation de la route de Sartiau, ont marqué 12 années de nos réunions mensuelles.
Ces qualités, nous les avons retrouvées dans les autres projets réalisés en utilisant tes compétences. Les analyses fines, les rapports rigoureux, les discussions au centre et autour du sujet, tout cela, nous l'avons partagé avec toi. Nous en retirons les leçons, et nous envisageons l'avenir avec toi en arrière pensée...
Merci pour tout ce que tu nous as apporté."

Joël, nous avons eu le privilège de te connaître, d'apprécier ton charisme, d'admirer ton dévouement et ta générosité.
Pour tout ce que tu as donné, et avant de te dire notre dernier "Au Revoir", je t'adresse, nous t'adressons (avec la permission de Mr. le curé), nos applaudissements en guise de remerciement...
... au revoir Joël.
Jean-Noé.